Colère des agriculteurs : à quoi s’attendre ?

Des manifestations et blocages d’envergure, pourtant pas inédits, agitent l’actualité française depuis quelques jours. Les rapports réguliers sur l’état de santé du système agricole aboutissent depuis toujours aux mêmes constats. Que se passe-t-il tout d’un coup ? Faut-il s’inquiéter ?

Révoltes du XVIIIe siècle suite à la libéralisation des farines

L’histoire se répète : de la Guerre des Farines à la libéralisation actuelle

Le mouvement agricole qui secoue la France et l’Europe depuis quelques semaines n’est pas sans précédent dans notre histoire.

 La Guerre des Farines au XVIIIe siècle, déclenchée par les réformes libérales de Jacques Turgot, constitue un parallèle étonnant. À cette époque, Turgot avait abusé de la confiance du Roi et aboli les régulations qui protégeaient les marchés locaux de céréales,

L’introduction soudaine de cette libéralisation a exacerbé les tensions sociales et économiques aboutissant par la force des choses à des révoltes alimentaires.

Cette période historique résonne curieusement avec la situation actuelle. L’Union Européenne, à travers diverses politiques et accords commerciaux, a progressivement ouvert les marchés agricoles à une concurrence plus large et souvent plus intense. Cette ouverture, similaire en esprit à la libéralisation de Turgot, a eu des conséquences profondes sur les agriculteurs français. Elle les place dans un environnement compétitif globalisé, où les pressions sur les prix, les normes environnementales et les pratiques de production s’intensifient. Les agriculteurs français se retrouvent injustement en concurrence avec des producteurs de pays voisins (et lointains!) pour qui les normes coûteuses ne s’appliquent pas toutes ou en partie.

Les racines du mécontentement : comprendre le mouvement agricole

La crise actuelle du secteur agricole français trouve ses origines dans une multitude de défis auxquels les agriculteurs sont confrontés. Ces défis incluent des contraintes réglementaires jugées excessives, des coûts de production croissants et une pression constante pour maintenir une production durable. Ils doivent toutefois rester compétitifs face à des puissances agricoles débridées telles que le Brésil ou l’Argentine et favorisées par les accords internationaux qui ne cessent de se multiplier (accord avec la Nouvelle-Zélande pour le plus récent).

La taxation sur le carburant agricole ainsi que le rejet du Green deal ont provoqué les premiers mouvements aux Pays-Bas, en Allemagne, en Pologne, en Roumanie, au Royaume-Uni. La mobilisation a démarré aux Pays-Bas puis s’est étendue en Allemagne, concernant la taxation du carburant agricole. La mobilisation des agriculteurs en France, orchestrée notamment par la FNSEA, est l’expression de toute une corporation usée de faire le jeu d’un système contradictoire et contrainte par la force des choses à renier sa raison d’être originelle à savoir la valorisation de notre terre et ses ressources.

Blocage des routes par les agriculteurs français

Les manifestations actuelles, bien que centrées sur des revendications spécifiques telles que l’allègement des normes environnementales (ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle !) et un changement dans l’approche de l’Office français de la biodiversité, sont en réalité symptomatiques de problèmes plus profonds. Ces problèmes comprennent la viabilité économique des petites et moyennes exploitations, l’impact des accords commerciaux internationaux sur les prix locaux, l’accès verrouillé à la propriété foncière  et l’adaptation nécessaire au changement climatique.

L’ombre sur l’approvisionnement : conséquences d’un conflit prolongé

Si le mouvement des agriculteurs se poursuit, les conséquences sur l’approvisionnement alimentaire pourraient être significatives. Une réduction de l’offre agricole, due à des perturbations dans les chaînes de production et de distribution, pourrait entraîner une hausse des prix des denrées alimentaires. Cette flambée des prix aurait des répercussions directes sur les consommateurs. Cela augmenterait le coût de la vie et aggraverait potentiellement les problèmes d’insécurité alimentaire.

« Si Rungis est bloqué, quelles seront les véritables conséquences ? Cela provoquera sûrement une nouvelle flambée des prix et comme lors des dernières crises attirera certaines formes d’opportunisme économique ».

Matthieu Urban, co-fondateur de Myfood

De plus, la perturbation des chaînes d’approvisionnement pourrait avoir des effets en cascade sur d’autres secteurs économiques, exacerbant les tensions sociales et économiques. Les importations pourraient être augmentées pour compenser les déficits locaux. Mais cela aurait un impact sur la balance commerciale qui pourrait ne pas être durable à long terme. La souveraineté alimentaire française s’en verra davantage fragilisée. Il faut savoir qu’ aujourd’hui, sur les tables françaises, les fruits et légumes sont importés à plus de 50 %. Pareil pour la volaille.

Lors des dernières crises, les pénuries ont été l’argument pour des acteurs de la chaîne d’approvisionnement d’augmenter leur marge de manière opportuniste, de quoi s’inquiéter doublement.

Il est urgent de s’en prémunir !

Vers l’autonomie alimentaire : urgence à cultiver la résilience à domicile

Il y a quelques siècles, un blocage sur Paris n’aurait causé guère d’inquiétude aux citoyens. Ils produisaient déjà leur propre alimentation sur leurs terres.  Or face à cette situation et à l’interdépendance des circuits d’approvisionnement, développer une plus grande autonomie alimentaire devient une nécessité urgente pour les ménages.

L’autonomie alimentaire à domicile n’est pas seulement une réponse aux crises actuelles. Elle représente également un pas vers un avenir plus durable et résilient. En cultivant leurs propres aliments, les individus peuvent contribuer à réduire leur empreinte carbone, sans subir les fluctuations des marchés alimentaires. Ce mouvement vers l’autonomie alimentaire n’est pas seulement une mesure de précaution face à la crise agricole actuelle, mais un changement de paradigme dans notre relation à l’alimentation. Il s’agit d’une opportunité de reconstruire un système alimentaire plus juste, plus résilient et plus en phase avec les valeurs environnementales et sociales contemporaines.

Les citoyens se réveillent, et c’est tant mieux !

Equipez-vous d’une serre, d’un poulailler, plantez des arbres, faites des conserves, etc. Si ce n’est pas cette crise-là qui vous forcera à le faire, ce sera très probablement la suivante. Par ailleurs, pour tous les autres produits, voici une manière de soutenir nos agriculteurs : approvisionnez-vous en direct localement et évitez d’acheter en magasin des produits importés quand ils peuvent venir de chez nous !

Pour plus d’infos lire : Autonomie alimentaire avec une serre : possible ou pas ?

Serre City chez un de nos pionniers français